Book-Emissaire

Une vie sans livres ne serait pas vivable...

Jeudi 22 octobre 2009 à 17:55

Cela arrive très rarement, voire jamais, mais je tiens vraiment à réagir à ce commentaire sur le roman "Rien de grave" de Justine Levy:



Par versager le Jeudi 22 octobre 2009 à 17:20
J'avais bien aimé l'écriture, pas détesté l'histoire, mais à la fin j'ai découvert que c'était un roman à clés, et là, ça m'a fait haïr ce roman et cet auteur, les regarder avec mépris et dégoût. C'est dommage je trouve, si il y avait pas eu ça, ça aurait été un livre plutôt bon.



Je voulais déjà juste dire que contrairement à vous, j'ai choisi de lire ce roman justement parce qu'il parlait de certaines personnes que nous connaissons tous. Evidemment, chacun ses goûts, et je peux tout à fait comprendre que tout le monde n'ait pas envie de connaître les histoires de cul passées de Carla Bruni.

Par contre, j'ai une question à vous poser : qu'est-ce que ça change en fait ?
Vous dites aimer le style de l'auteur, l'histoire aussi, et vous concluez en disant (si on lit entre les lignes) que ce livre est plutôt bon. Franchement, c'est vraiment le genre de réaction qui m'énerve.
Si vous aimez le style de l'auteur et l'histoire, qu'est-ce qu'on en a à foutre qu'elle parle de Carla Bruni, de Louis XIV ou de Casimir. Ce sont des qualités qui n'ont absolument rien à voir avec la source d'inspiration de l'auteur. Que vous n'aimiez pas Carla Bruni et son entourage (parce que c'est certainement plutôt de ça qu'il s'agit) c'est une chose, personne ne doit trouver à y redire parce que ce sont vos opinions, mais décréter qu'un bouquin que vous trouviez bon est nul et en venir à haïr son auteur et son oeuvre pour cette raison, je trouve ça vraiment stupide, bas, immature, absolument pas objectif, injuste....

Parce que si on suit votre raisonnement, on devrait aussi détester les gens qui ont écrit sur la deuxième guerre mondiale et plus particulièrement sur Hitler...

Votre critique n'est absolument pas une critique littéraire constructive et objective comme elles devraient toutes l'être. Elle est discriminatoire et injuste envers l'auteur, qui, soit dit en passant, aura toujours le même style (que vous semblez apprécier) si elle écrit un bouquin sur Ségolène Royal ou Bruce Willis.

Bref, je suis énervée. Parce que je me dis que vous ne devez pas être le seul (ou la seule) à penser ainsi et à ne pas savoir faire la part des choses, aussi bien sur des sujets tels que celui-ci que sur des sujets bien plus graves et importants, et je trouve ça vraiment triste et pathétique.

Heureusement que tous les mordus de lecture ne sont pas comme vous, on perdrait une quantité incroyable d'auteurs géniaux et d'histoires remarquables...


Par Raison-et-sentiments le Mercredi 28 octobre 2009 à 22:53
Ce n'est pas une source d'inspiration pour Levy, tous ses romans sont des auto-fictions, et je comprend que cela puisse en rebuter.
Pour ma part c'est l'écriture qui m'a tué, pas pu dépasser la première page.
Par versager le Jeudi 29 octobre 2009 à 19:10
Oh, je suppose que je peux redire la même chose et justifier en donnant au tout la forme d'une critique littéraire constructive. Tiens, essayons.
Comme l'écrit Roland Barthes dans ses Essais Critiques ("écrivains et écrivants", p.154), "l'écrivais est un homme qui absorbe radicalement le pourquoi du monde dans un comment écrire", ce qui permet de considérer la forme comme signifiante à l'échelle du texte, de sa structure comme le fait par exemple M. Proust dans son article à propos du style de Flaubert (1920, Nouvelle Revue Française), mais également d'un point de vue plus général appliqué à la forme non tant du texte que la forme romanesque et fictionnelle en général. En effet, si, comme l'écrit N. Piégay-Gros dans son introduction à Le Roman, textes choisis (GF, 2005, p.45), "Le lecteur de roman, c'est l'enfant resté en nous, emporté par l'histoire racontée, (...) L'enfant qui ne se soucie aucunement de la forme littéraire, qui confond ingénument le plaisir de l'émotion et le plaisir esthétique", le roman, pour suivre sa vocation qui est de se faire lieu de pensée et de savoir, requiert la participation d'un lecteur actif, à même de dépasser la simple et stérile fabula pour prendre le recul nécessaire à la réflexion, voir au delà du "comment écrire" ce qui est réellement important, "le pourquoi du monde" (qui dans le cas présent est bien plus modeste que cela). Sans ce recul sur "l'histoire racontée", le lecteur est un bovin stupide qui s'adonne à une activité purement inutile voire néfaste pour lui. En effet, le roman, par divers choix de narration et par son écriture même (cf. Roland Barthes, le degré zéro de l'écriture, trop long à citer) opère constamment des choix, est une vision particulière, et est donc, nécessairement, orienté. Ainsi, à moins de considérer que le roman est un plaisir masturbatoire, croupissant dans un autotélisme nauséabond et que le lecteur est un animal stupide uniquement désireux d'échapper à la conscience, ce que nous ne saurions accepter, il est impossible de considérer que le roman se limite à son histoire, ou, pour ainsi dire, au Nutella sur la tartine, et il semble donc parfaitement légitime de dire d'un roman qu'il est mauvais alors même que l'écriture en est bonne et son histoire agréable. La fabula et la forme ne sont qu'un aspect du roman, l'aspect le plus extérieur, mais le sous-texte est aussi important que ce premier, sinon plus : il est sa motivation, ce qui l'engendre, le "pourquoi du monde" qui sera digéré dans le "comment écrire", sans ce but non explicitement formulé, l'histoire et la forme n'existent naturellement pas. Il est le but même du roman, la direction vers laquelle la fiction, qui n'est là que pour servir ledit sous-texte, tend à mener le lecteur et ainsi donc la réelle base et intérêt du roman, incontestablement plus que la forme qui le porte. Ce qui nous permet d'affirmer qu'un roman peut être mauvais malgré ses aspects extérieurs si ils ne sont là que pour servir un but malsain, ce qui est incontestablement le cas ici. En effet, l'auteur de ce texte ne raconte pas "les histoires de cul passées de Carla Bruni" mais offre un récit orienté à travers lequel elle présente comme objective une vision purement subjective, dévalorisante pour un certain nombre d'individus sous couvert de fiction, ce roman est une entreprise lâche et terriblement mesquine de démolition, l'auteur accuse, juge et condamne, sur la base d'un seul témoignage, celui de celle qu'elle pose publiquement comme victime : elle même.
Ce que je trouve ici haïssable, ça n'est certainement pas le sujet de l'histoire qui m'indiffère, c'est son traitement par l'auteur, c'est ce vers quoi cherche à mener le texte qui est d'une bassesse sans nom.
Le roman n'est pas simplement "un comment écrire", il y a quelque chose derrière (et encore heureux), et il ne suffit pas que la musique d'une chanson soit belle pour que cette chanson soit bonne.
Une œuvre d'art, et il me semble que la littérature est considérée comme art, c'est avant tout une démarche qui ensuite se matérialise dans une forme. Si la démarche est mauvaise, la forme a beau être belle, l'œuvre n'est pas intéressante. S'arrêter au comment sans considérer le pourquoi, c'est être d'une passivité affligeante et relativement dangereuse.
Si d'un point de vue purement textuel ce livre n'est sans doute pas mauvais, d'un point de vue littéraire, il est une honte. L'histoire est un signifiant, non un signifié, il ne faut jamais l'oublier.
Par book-emissaire le Samedi 31 octobre 2009 à 16:02
Quand j'ai reçu cette réponse, je me suis dit que je m'étais peut-être trompée, que j'avais certainement jugé trop vite un commentaire trop court pour refléter parfaitement un avis constructif ; j'ai même failli supprimer cet article.
Et puis je suis allée visiter le blog de Versager, pour être sûre.
La seule chose dont je suis sûre à présent, c'est que j'avais complètement raison et que cet article est justifié, mais aussi et surtout, que lui et moi ne pourrons absolument jamais être d'accord.
Versager est un condensé parfait de tout ce qui m'énerve le plus chez les gens de nos jours et chacun de ses articles me débecte: sa façon de voir les choses, de les critiquer, de jouer un rôle "pour avoir l'air de", de détester certaines choses et certaines personnes uniquement par principe...
Bref, fin de la discussion, il ne peut y avoir aucune autre issue.
 

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